« Les éducateurs ne rencontrent que des jeunes qui vont mal ou très mal », le ton est donné par cette phase qui ouvre le livre! D'entrée de jeu, l’auteure évoque le profil des personnes qui constituent l’objet de son étude. Ces jeunes qui vont mal ou très mal et qui « déclinent » la religion musulmane sont au centre des préoccupations de cette étude menée de manière collective, avec des professionnels de l’éducation, des acteurs sociaux issus du milieu musulman, mais aussi avec des spécialistes de la question de la laïcité.
L’utilisation du verbe « décliner » n’est pas le fruit du hasard. Ce terme est employé pour définir les diverses façons « de vivre ou de mettre en avant l’islam » par les jeunes en situation de « rupture ». « C’est donc la déclinaison qui interroge lorsqu’elle est radicale et non pas l’appartenance confessionnelle en elle-même » écrit-elle.
L’utilisation du verbe « décliner » n’est pas le fruit du hasard. Ce terme est employé pour définir les diverses façons « de vivre ou de mettre en avant l’islam » par les jeunes en situation de « rupture ». « C’est donc la déclinaison qui interroge lorsqu’elle est radicale et non pas l’appartenance confessionnelle en elle-même » écrit-elle.
Les bases du débat
Dounia Bouzar fait part de la réflexion qu’elle a menée avec son équipe de professionnels pour trouver un titre convenable à cette étude. Il était d'abord question de l’intituler « Islam et action sociale ». Mais au moment de valider l’ouvrage, ce titre s’est avéré inadéquat. « Islam ainsi employé le fait apparaître comme une entité, alors que les éléments apportés par les professionnels témoignent de l’extrême diversité (…) des comportements de jeunes se réclamant de l’islam », souligne-t-elle.
Comme l’explique madame Bouzar, il ne s’agit pas d’opposer deux cultures, deux civilisations différentes. Ni d’ailleurs de parler de « valeurs communes » unissant les diverses communautés religieuses ou ethniques. La question est d’une tout autre nature. Une nature sociale, au final, humaine avant tout.
« Si un aspect religieux est effectivement mobilisé par le jeune, ce n’est pas le résultat du produit de l’islam, mais le fruit d’une corrélation propre à ce moment-là de son histoire dans cette Histoire sociétale-là, dans cette situation-là, avec ces interlocuteurs-là » souligne-t-elle.
La théorie et le terrain
Chaque chapitre de l'étude traite d’une problématique particulière. La laïcité, le fondamentalisme en passant par bien d'autres questionnements tels que la part du religieux dans la vie d’un musulman. Entre les chapitres théoriques, s’intercalent des cas concrets de situations de jeunes en rupture face à leur relation au religieux; des cas présentés par des travailleurs sociaux eux-mêmes. S’ensuit, pour chaque chapitre, un débat retranscrit où se mêlent les avis de chacun des professionnels et intellectuels.
Des encadrés ponctuant l’ensemble de l’ouvrage apportent soit des éclaircissements souvent nécessaires pour un lecteur non averti soit un témoignage, voire un prolongement au débat. Un glossaire, en fin de livre, répertorie des notions autour du fait musulman, apportant une touche pédagogie louable à ce travail pour le rendre accessible à un public de non initiés.
Une histoire commune
« La radicalité n’est pas chose facile à diagnostiquer » fait remarquer madame Bouzar. En effet, on ne pourrait attribuer le radicalisme à l’ensemble d’un mouvement religieux musulman quelle que soit son obédience. Cependant, après ces trois années de recherches et de réflexion, la conclusion est que : « c’est la nature de la relation à la religion – en l’occurrence à l’islam – qui fait la radicalité. »
L’auteure clôt son étude sur les solutions pour prévenir le radicalisme. Elle revient alors sur un des ses thèmes favoris, qui est la reconnaissance d’une histoire commune entre ces jeunes issus, pour la plupart, de l’immigration, et la France, maintenant leur mère patrie. « Prendre en compte officiellement la période coloniale, la guerre d’Algérie, et le sacrifice des grands-parents pendant la Seconde Guerre mondiale ne serait pas qu’une question de justice, mais bien une question symbolique fondamentale de mémoire commune ». La valorisation de l’apport de l’Espagne musulmane en matière culturelle et scientifique est aussi évoquée.
La lutte contre la discrimination et pour la réinsertion des jeunes est de mise. Dounia Bouzar invite les professionnels à sortir de « la représentation bipolaire (islam contre occident, ndl) en identifiant différents paramètres qui sont à l’origine de la radicalité ».
L'éducation face au radicalisme religieux est un livre riche et construit avec pédagogie. S'il n'apporte pas de solution toute faite, il amène à se poser les bonnes questions sur le radicalisme religieux. Rien que pour cette approche, ce livre est à mettre entre toutes les mains, surtout entre celles de certains politiques.